C’est marrant, cela fait un tout petit plus de trois mois que je suis parti et j’ai pourtant l’impression qu’un seul vient de s’écouler. Alors que certains me disent qu’ils ont le sentiment que je suis en vadrouille depuis deux fois plus longtemps. Je viens d’achever le premier quart de mon voyage.

Je suis arrivé aujourd’hui à Singapour pour 3 jours avant de faire un saut de géant direction le pays des kangourous. J’avoue avoir un peu le vertige. Le mode vie va être radicalement différent. Je pense que la simplicité et la spontanéité asiatique vont me manquer. Je n’ose aborder le coût de la vie qui va exploser en comparaison à ce trimestre. Fini la vie de château ! Je vais débarquer à Sydney, redevenir anonyme parmi les anonymes.

On verra bien !

Pour ce qui est de ces derniers jours. Je suis passé par les Gili Islands, juste à côté de Bali. Petites îles paisibles où les principales activités sont le farniente, le snorkeling, la plongée, l’alcoolisme, la prise de champignons, le LSD et toute autre sorte de stupéfiants dont je rappelle que la consommation mène à la prison ferme en Indonésie !

Alors les îles Gili ça ressemble à quoi ?

Et bien vous le savez tous, plages de sable fin, corail (en mauvais état voir mort) à 5 mètres de la plage. Un calme certain car il n’y a pas de véhicule motorisé sur les îles, du Bob Marley en fond sonore à tous les bars, hôtels et clubs de plongée de la main street. Des indonésiens qui disent bonjour à tout va pour proposer les plongées, du red snapper (poisson), la location de vélo, le jus de papaye, les champis, etc. Pas d’inquiétude personne ne force la main ici. Et d’ailleurs ce qu’il y a de plus hostile dans le coin c’est le soleil ! Et peut-être aussi les moustiques porteurs de la malaria… Je n’en ai pas croisé, enfin ça dépend du temps d’incubation j’imagine…

Toujours en compagnie d’Elsa, après une journée de snorkeling (en français : masque et tuba), on décide de faire une journée d’initiation à la plongée en bouteille.

Et là c’est le drame ! Une fois équipé comme un astronaute et poussé dans le fond de la piscine avec mon attirail pour faire les exercices qu’on a répétés au préalable dans 1 mètre d’eau, je vois les parois du bassin se mettre à bouger. La piscine est toute petite, on est au moins 8 dans le fond et malgré mes efforts de concentration pour me dire que tout va bien, je sais que je vais mourir ici et maintenant ! C’est intéressant comme expérience, je suis quelqu’un de calme, de plutôt réfléchi (silence dans le fond) et surtout pas du genre à paniquer. Mais là impossible de rester dans ce cercueil aquatique, il faut que je sorte !

Conclusion de la journée : je suis un terrien ! Grande nouvelle…

Elsa, qui appréhendait un peu, se sent comme un poisson et passera son Open Water les jours suivants avec une aisance agaçante. Moi, je suis très content avec mon masque qui m’éclate le pif et mon tuba qui a du rouler des patins à environ 35000 personnes depuis ces 40 dernières années !

Après 4/5 jours de soleil, de poissons colorés, de tentatives de suivre les tortues qui nagent devant moi, de bières, de red snapper, de coups de soleil, il est temps de se dire au revoir. Elsa s’envole pour le Cambodge, moi pour Bornéo. Fin de deux semaines de vie communes. Snif…

Deux jours plus tard, j’arrive à Kota Kinabalu. Décidé à voir des Orang-outan à Sépilok, je prends un car tôt le lendemain matin. Les 8 heures de trajet me permettent de rencontrer Viktor (suédois), Alexander et Mads (danois), on ira loger à la même enseigne le soir avant d’aller voir nos proches cousins.

On arrive dans le parc un peu avant l’heure où les primates sont nourris. On déambule, amusé par la faune et la flore qui nous entoure, mais tout en gardant l’œil bien ouvert espérant apercevoir le primate. On croise trois piverts sur un arbre, captivés, on échange sur les couleurs de ces petites bêtes ainsi que sur leur technique de forage. Je relève la tête et là, je le vois ! Il est sur le même ponton que nous, à 4 mètres. Figé par la volonté de ne pas faire de bruit ou de mouvement brusque, j’arrive quand même à attirer l’attention de mes trois compagnons pour qu’ils voient eux-aussi l’orang-outang. J’ai évidemment déjà vu ce grand singe, mais uniquement dans des zoos. Le voir se déplacer librement dans cette forêt, dans un silence et une lenteur pleine de grâce, attraper des branches et soulever son corps pour le faire balancer jusqu’à l’arbre voisin, cela a vraiment quelque chose de magique. Face à lui, nous sommes quatre enfants ébahis par ce vieil homme d’environ 1m60 qui prend la route du petit déjeuner.

Nous rejoignons la zone de ravitaillement, beaucoup moins intimiste car pleine de touristes tels que nous. Mais une fois encore, ce sentiment que ce singe n’est pas si animal que ça prend toute son ampleur.

Les feuilles et les branches bougent car ils les écartent pour passer, ils montent sur la plateforme en utilisant l’échelle mais avec bien plus de dextérité et de légèreté qu’un humain le ferait. Leurs gestes nous semblent à tous familiers, c’est cliché, je sais, mais on se reconnait. Et au-delà de l’amusement et de la magie qu’il y a dans cette observation, le plus intrigant reste leur regard. Il ne s’agit pas de votre chat qui vous fixe dans les yeux pour vous dire “j’ai faim bordel !”. Comme tout leur mouvement, le choix de regarder quelque chose ou quelqu’un est un acte lent et qui semble réfléchi.

Mais à quoi pense-t-il ?

L’après-midi Viktor reprend la route pour aller plus au sud. Mads, Alexander et moi-même prenons la direction du Kinabalu National Park pour faire un trek.

L’objectif, marcher à partir de 1800m d’altitude, atteindre le lendemain matin à 5h les 4096m du sommet pour admirer le levé de soleil. La première journée d’ascension est une vraie partie de plaisir. Le chemin qui mène au camp de base est principalement composé d’escaliers naturels (grosses pierres de 30cm de haut) au milieu de la rain forest.

On prend donc de l’altitude très vite puisque le soir on est plus qu’à 700m du sommet. Le souffle est mis à rude épreuve (t’as qu’à arrêter de fumer glandu), mais les muscles semblent suivre. Lendemain matin, réveil à 2h pour prendre le petit déjeuner et départ à 3h pour l’ascension de la dernière partie, équipé d’une lampe frontale. Là aussi mon ascension se déroule bien. C’est notre guide (qui s’occupe de 2 japonaises très lentes, mais pas de nous) qui nous a dit de partir à 3h car on avait un très bon rythme la veille, normalement il vaut mieux partir vers 2h30 maximum.

Après avoir démarré, on tombe dans les embouteillages mais on réussi à se faire un chemin parmi les personnes moins rapides que nous. Je finis par perdre mes deux collègues qui n’ont sans doute pas réussi à doubler à certains endroits. Au fur et à mesure que je remonte la file il y a bien 5 à 10 minutes entre les groupes que je croise. Sur le chemin je rencontre Will, un londonien. On atteindra ensemble le sommet en papotant et à notre grande surprise nous y sommes les premiers. Il fait nuit noire, le vent souffle, il fait froid.

Les lampes frontales commencent à former une chenille qui arrive dans notre direction… Une fois en haut, on se congratule, on se prend en photo devant le panneau du sommet, on se plaint d’avoir froid, on grignote, on dort un peu, on passe le temps quoi. Il est 4h40 et le soleil n’arrive pas avant 5h30.

Malheureusement pour nous, ce lever de soleil réputé “être grandiose” ne le sera pas. Le ciel est voilé, la lumière arrive de façon tamisée sans éclat lumineux comme j’ai pu en voir au Népal. Il n’en reste pas moins que la vue depuis les 4096m est saisissante, on peut par endroit apercevoir la mer et Kota Kinabalu qui est à presque 3 heures de route.

On redescend jusqu’au camp de base pour prendre un second petit déjeuner, en se disant qu’étonnamment ce trek n’est pas si éprouvant que ça. Mais deux heures plus tard, alors qu’il ne nous reste plus que 4 km à faire pour rejoindre le premier check point, avec Mads au même moment, nos genoux rendent l’âme.

Première fois que cela m’arrive. Ce n’est pas une douleur, ça ne fait pas mal, ça ne tire pas sur les muscles, non c’est différent. Je suis obligé de faire un effort mental à chacun de mes pas pour que mes genoux ne plient pas, je dois rester debout. J’ai cette certitude qu’à tout moment, dans ces escaliers de tortures, je peux m’écrouler si je ne pense pas assez fort au fait de rester à la verticale. Je crois que j’ai compris ce jour là ce que signifie “être sur les rotules”. Je vous assure ça fait sens !

Epuisés, après la descente, on part direction les hot springs (sources d’eau chaude) pour détendre nos muscles avant de retourner à Kota Kinabalu et manger au night market.

On passera le lendemain à faire du snorkeling sur une île voisine.

La star de l’après-midi sera un petit varan d’1m80 qui semble un peu fatigué dans l’eau. Je dis petit car un varan ça peut être bien plus grand. L’année dernière à Penang, j’en ai vu un d’au moins 3m de long. Beurk !!!! En plus elles sont dangereuses ces bestioles !

Le jour d’après terrifiés à l’idée de faire la moindre activité tellement nous avons de courbatures, on décide d’aller au cinéma, voir le premier film projeté. Il est dans 3/4 d’heure. On se balade dans le mall en attendant et on tombe sur une salle d’arcade. Vu le prix des parties on se lance sur quelques jeux pour passer le temps.

La séance commence, il s’agit du dernier film avec Morgan Freeman et Tom Cruise, dont je n’ai même pas retenu le nom tellement c’est de la merde ! Mes amis de quelques jours s’en vont dans l’après-midi et moi j’ai une mission qui m’attend depuis bien trop longtemps. Je profite donc de cet après-midi de solitude pour aller chez le coiffeur !

Et oui, il faut bien s’occuper de l’intendance de temps en temps.

De retour chez Lucy, la guest house où je loge, je tombe sur Julie et Thomas, un couple de français qui occupe les lits de mes amis danois. Echange d’expérience et de sentiments sur le sujet “partir autour du monde pour un an”. Ce qu’ils font depuis 7 mois déjà !

Je quitte Kita Kinabalu pour Singapour.

Sydney s’approche à grands pas. Et comme à chaque fois que l’on s’apprête à changer de lieu, le stress remonte. Où vais-je ? Comment ça va se passer ? C’est le blackout. La peur de l’inconnu.