S’il y a une chose que je n’arrive pas à me mettre dans le crâne, c’est de nettoyer mes chaussures de randonné avant de quitter un pays. Je n’y pense jamais.

Dans l’avion qui m’emmène à Rarotonga (Îles Cook), je remplis comme j’en ai l’habitude maintenant la fiche d’entrée sur le territoire. Les fiches sont très souvent les mêmes pour tous les pays. Il faut répondre “non” à toutes les questions, sauf une. Moi, je réponds toujours “oui” à trois questions parce que sur la fiche il est toujours indiqué que mentir is an offence. Je n’aime pas mentir.

Donc bien sûr, je réponds “oui” à la question “Connaissez-vous le contenu de vos bagages ?“. Mais je réponds “oui” également aux questions :

  • Amenez-vous dans vos bagages des équipements sportifs (planche de surf, ski, chaussure de randonné, etc.) ?
  • Avez-vous dans les 30 derniers jours été en contact avec une rivière, de la forêt, une ferme, des animaux, etc. ?

J’ai des chaussures de randonné et il me paraît difficile de ne pas être en contact avec au moins un des éléments de la dernière question.

Par conséquent, une fois la douane passée et récupéré mon sac à dos au baggage claim, je suis toujours invité à passer par la zone de quarantaine pour vérifier que je n’apporte pas dans mes bagages ou sur moi des éléments pouvant perturber l’écosystème local. En général, ça ne prend que 20 minutes et les agents ont toujours regardé avec attention mes chaussures, partent 5 minutes pour les nettoyer et me les redonne. Mais à Rarotonga, ça ne s’est pas passé comme ça.

L’agent me demande si j’ai l’intention d’utiliser mes chaussures durant la semaine de mon passage. Je lui réponds que je n’en ai aucune idée. Du coup, il me dit qu’il les garde toute la semaine en quarantaine, je pourrais les récupérer lors de mon check-in avant de m’envoler pour Los Angeles. Crotte…

Je sors le dernier de l’aéroport. Oui, l’aéroport ferme après chaque vol, c’est pas JFK ici. Du coup la navette qui fait le tour des hôtels, resorts et auberges de jeunesse est déjà partie avec tous les voyageurs, pour 5.

Moralité, même si tu l’oublies souvent les transports en communs sont toujours moins chers ! L’endroit a l’air super sympa, les pieds sur la plage avec une très jolie vue sur le lagon. Je suis dans un dortoir de 7 lits, tous occupés a priori. Je croise plusieurs personnes, engage la conversation, mais ça tombe à l’eau très vite à chaque fois. L’ambiance ici à l’air un peu du style “Je suis en vacances au bout du monde dans un endroit magnifique, mais je veux parler à personne !“. Je finis par rencontrer mon voisin de lit, Konrad (allemand) qui a l’air sympa et qui me prévient que la néo-zélandaise à côté de moi ronfle comme un tracteur.

Le lendemain matin, je propose à Konrad de m’accompagner faire un trek plus tard dans le journée. Ayant découvert le relief de l’île, je me dis que c’est une bonne idée de repasser à l’aéroport pour récupérer mes chaussures. Je loue donc un scooter pour faire la route. Un peu naïf je me dis qu’ils vont me les rendre, mais c’était sans compter sur le fait que nous étions dimanche et que de toute façon l’aéroport n’est ouvert que quand un vol arrive ou quitte l’île.

Ayant deux heures devant moi, je pars en balade, m’arrête au marché pour manger un truc, reprends la route du soleil et m’approche de l’intérieur de l’île pour découvrir le paysage de la jungle. Je finis par arriver au bout d’une route qui ressemble à une propriété privée. Je m’apprête à faire demi-tour quand le propriétaire sort de sa maison et me demande si je cherche le départ du trek. Je réponds “oui”, même si ce n’est pas vrai, ça peut toujours être utile. Comme c’est juste à quelques centaines de mètres, je décide d’aller jeter un coup d’œil pour voir si c’est faisable en tongs. Le mec me précise que je vais adorer !

Après 10 minutes de marche, je croise un couple en tongs à qui je demande combien de temps ils ont mis pour faire le trek, ils me répondent 45 minutes. Un peu surpris que ce trek ne soit qu’une petite marche, je me dis que 45 minutes c’est tout à fait faisable avant de retrouver Konrad. Donc je continue… Pendant une heure… Puis deux. La marche est super marrante. C’est vraiment de la jungle assez dense, il faut des fois passer sous ou par dessus des arbres, gravir des murs de roches à l’aide de cordes installées par les précédents randonneurs, traverser des cours d’eau (content d’être en tongs) et passer des cotes très friables (pas content d’être en tongs) dont les chutes de pierres font mal au dessus du pied.

Le problème c’est que quand tu es persuadé que la promenade dure entre 45 minutes et une heure et que tu as déjà avancé pendant 2 heures, il t’est interdit par orgueil de faire demi-tour. Bien entendu en vrai touriste, qui à la base faisait du scooter, je suis donc en tong, sans eau, sans boussole, sans carte, sans rien à grignoter. J’avance amusé par cette forêt et ses reliefs, tentant de découvrir quel type de bestioles produisent tous ces bruits autour de mes pieds au fur-et-à-mesure de mon avancée, espérant juste qu’il ne s’agit pas de serpents ou de bestioles qui aiment les chevilles transpirantes et cramoisies par le soleil.

Ayé, je finis par trouver ! Des lézards ! Ouf !

Cela fait maintenant 3 heures que j’avance et je pense comprendre où je me rends et sur quel trek je suis. J’aperçois le plus haut sommet de l’île un peu plus loin. Il est à environ 600m d’altitude, donc pas très haut, mais plus ça va plus le chemin se complique. Là je comprends que le couple que j’ai croisé a dû faire une autre promenade parce que même s’ils étaient rapides, impossible de l’être à ce point.

N’ayant croisé personne à part eux, je suis accompagné uniquement des bruits de la forêt. Mais tout à coup, j’entends des bruits de feuillages qui bougent beaucoup derrière moi. Au début, je pense à des promeneurs auxquels je pourrais sans doute demander quelques informations sur la piste sur laquelle nous nous trouvons. Mais le bruit se rapproche vite, trop vite pour des randonneurs.

Je vois finalement sortir de là un chien ! La langue bien pendante, il s’assoit devant moi et respire comme une vache qui vient faire un 400 mètres relais.

Je continue donc avec mon nouveau compagnon. Cela fait maintenant presque 4 heures que j’avance et grimpe. Je meurs de soif et commence à avoir vraiment faim. Les passages de cordes sont de plus en plus nombreux et abruptes et à chaque fois que j’arrive devant l’un deux, je ne peux m’empêcher de penser à la descente qui va être galère en tongs. Plusieurs fois, je pense à faire demi-tour, mais mon nouveau pote le chien me passe systématiquement devant ayant presque l’air de me narguer ! Oui bah moi, je ne marche que sur deux jambes !

Je dois maintenant être à 500m du sommet, mais la flore que je dois écarter pour avancer et qui m’empêche de voir où je pose les pieds a raison de moi. Oui, je sais je suis un gros naze de pas avoir emmené mon coupe-coupe ! Bref, je dois prendre en compte le temps de retour et 4h dans un sens, ça veut dire 4h dans l’autre, avec les descentes en tongs. Pas au sommet, mais quand même une belle vue…

Je commence donc, me vautre quelques fois avec les passages de cordes et fais quelques détours pas très secure pour récupérer une de mes tongs tombées pendant l’exercice.

Tout se passe plutôt bien, jusqu’au moment où je m’annonce à moi-même qu’il n’y a plus de doute possible, je suis perdu depuis 2 heures. Oui parce que le balisage pour monter était super clair, mais pour descendre, c’est un peu la misère. J’essaie de me souvenir des passages, mais rien ne ressemble plus à de la jungle que de la jungle. Dans ce genre de situation le seul truc à faire, c’est récupérer le sentier. Donc, je fais un 180°, je regarde le relief qui monte (putain je voulais descendre), et je repars vers le haut. Au bout d’une heure trente, je retrouve un marquage. Hallelujah!

Je finis par rentrer vers 21h à l’auberge, raconte mon aventure à Konrad qui était mort de rire ! Je mange et file me coucher.

Le lendemain, je fais la connaissance de Brezo, une espagnole qui vit à Auckland, elle est dans le même dortoir que nous. On décide d’aller faire le trek qui traverse l’île de part en part. Konrad l’a déjà fait et ne veut pas le refaire. Mais il nous informe qu’il s’est perdu et donc nous indique qu’au gros rocher noir, il faut prendre à droite, surtout pas à gauche !

On prend le scooter, on file au sud de l’île, on gare le scooter, on attend le bus pour aller au nord. Comme ça à la fin de la randonné on a qu’à récupérer le scooter pour rentrer à l’auberge.

On part tout content, ça papote un max ! Et bla bla et bla bla. Et oui moi, je pense que… Jérémy prends-moi en photo. Mais alors toi ? Et blabli et blablo…

Au bout de 3 heures de marche, on croise deux autres couples plus âgés qui nous demandent si on est sur le bon chemin. Très confiants on dit oui. Bon en fait Brezo s’en remettait complètement à moi :

Brezo: Jeremy I trust you! But are you sure we’re on the right track? Moi: Of course we are! Konrad told us that we can’t miss the big rock, so we won’t!

Oui parce que quand tu n’es pas sûr d’un truc, le mieux est que les autres ne le sachent pas. Au moins tu gères uniquement ta propre panique et pas celle des autres.

Bien entendu après quelques kilomètres on doit grimper une falaise de 10m à la verticale et avec Brezo on se dit vraiment que les deux couples de 60 ans qui font la route avec nous vont avoir du mal. Du coup nous décidons d’escalader le mur pour vérifier qu’il y a bien un chemin après.

Blop… Pas de chemin, c’est un cul de sac !

Dammed, we missed the unmissable big rock!

Obligés de faire demi-tour car il est trop tard, nous préférons accompagner nos randonneurs fatigués jusqu’au point de départ (#fail). On reprend donc le bus pour aller récupérer le scooter qui nous attend au sud.

Une fois de plus Konrad se marre bien ! “How could you miss it? I told you to go right!“. Oui, bah on a du papoter un peu quoi…

On décidera donc de retenter ce trek, mais dans deux jours, demain ça sera plage et farniente !

Il y a un nouveau venu, Gian de Suisse (parle suisse allemand) qui se joint à notre petit groupe. Brezo et moi-même qui communiquons en anglais passerons notre temps à se moquer des deux germanophones parce qu’on ne comprend rien à ce qu’ils racontent.

Il y a également Guillem, un espagnol qui est de passage 2 jours, le but de ce beau gosse de 24 ans qui travaille dans un fond d’investissement, réaliser 20 rêves, il parcourt donc le monde pour nager avec des baleines, suivre la trace des gorilles, etc. Il a déjà visité 70 pays dans sa vie ! Euh, ok je me rhabille.

De gauche à droite : Konrad, Brezo, Gian, Guillem.

On passe donc nos journées tous les quatre à se balader, à squatter les plages des resorts luxueux, à manger, se baigner, à faire du canoë et boire de la bière. En général, c’est Konrad qui cuisine et Brezo et moi on se charge d’aller acheter les bières !

On retentera donc le trek avec Gian et au bout de 10 minutes de marche. On le voit, il est énorme, tellement gros qu’on éclate de rire se demandant se qu’on pouvait bien se raconter pour rater un rocher de 25 mètres de haut sur 30 de large. Ce fameux rocher où il fallait prendre à droite et non à gauche. Les blaireaux !

Mon dernier jour arrive, je dois prendre l’avion à 23h59, Brezo part le lendemain, Gian le sur lendemain et Konrad reste encore 2 semaines ! Un peu triste de quitter cette petite famille, je m’envole pour les Etats-Unis d’Amériques pour un décor tout-à-fait différent. Je récupérerai mes chaussures comme prévu lors de mon check-in.

A peine arrivé aux USA, je reçois un message de Brezo qui me dit qu’elle s’est trompé de jour pour son avion, elle aurait du partir le même jour que moi. Ou comment détruire tes vacances à petit budget !

Trois jour après être arrivé à Los Angeles, je m’aperçois que je n’ai plus ma liseuse électronique. J’envoie un message à Konrad et miracle, il la retrouve sous mon lit ! Elle est donc en train de faire le tour de l’Australie avec quelqu’un qui lui parle en allemand toute la journée !

A bientôt les européens !

Nota : le titre Hope for the best! est un référence à une discussion qu’on a eu avec un anglais tous les quartes. Il partait faire le tour du monde pendant 3 ans. Sa copine étant de Hong-Kong, ils étaient ensembles depuis 1 an, mais elle n’avait pas les moyens de le suivre (tu m’étonnes) et lui disait en gros, si elle veut pas bouger son cul bah tant pis. J’ai donc dis très spontanément “I hope for the best!” parlant de leur relation. Tout le monde éclate de rire car cette réplique serait très française diplomatiquement parlant. Cette phrase s’est donc transformée en private joke tout au long du séjour.